L’atteinte de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 que la France s’est fixée passe par une politique de sobriété énergétique à laquelle les activités tertiaires doivent participer. En effet, si les activités industrielles ont un rôle prépondérant dans le réchauffement climatique, il ne faut pas négliger l’impact du secteur tertiaire et notamment la consommation énergétique des bâtiments. Avec 86 millions de tonnes de CO2 émises en 2018, le secteur du bâtiment est le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre en France, et représente 20% des émissions nationales. C’est dans ce contexte que le décret du 23 juillet 2019, appelé communément le « Décret Tertiaire » a mis en place le dispositif Eco Energie Tertiaire. Issu de l’article 175 de la loi ELAN, ce texte a pour objectif d’impulser une dynamique de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle des bâtimentsQuelles sont les entreprises concernées et quelles sont les obligations auxquelles elles sont tenues ?

I) Qu’est ce que le Décret Tertiaire ?

Le Décret Tertiaire paraît en 2019 dans le sillage de plusieurs lois structurantes parues une décennie auparavant. Il s’agit, au niveau européen, du Paquet Energie-Climat de 2008 qui a mis en place un plan d’action ayant pour objectif d’améliorer l’efficacité énergétique de 20% d’ici 2020. Il a été suivi en France de la Loi Grenelle II en 2010 et de la loi pour l’Evolution du Logement et de l’Aménagement Numérique (ELAN) en 2018.

Le Décret Tertiaire définit ainsi des obligations de réduction de la consommation d’énergie finale dans les bâtiments à usage tertiaire. Pour cela, le décret va déterminer plusieurs échéances décennales au cours desquelles les entreprises assujetties devront attester des réductions d’émissions de leurs bâtiments à hauteur de :

  • 40% d’ici 2030 ;
  • 50% d’ici 2040 ;
  • 60% d’ici 2050.

Le point de départ est le niveau de consommation enregistré pendant une année glissante entre 2010 et 2019. Il s’agit de l’année de référence. Cruciale, cette année doit être correctement sélectionnée pour garantir à l’entreprise une trajectoire de réduction des émissions soutenable.

Le Décret Tertiaire met également en place un système de gouvernance numérique pour organiser la remontée des données énergétiques, leur centralisation, la définition des objectifs et le suivi des résultats. Il s’agit de la plateforme baptisée OPERAT, pour Observatoire de la Performance Énergétique de la Rénovation et des Actions du Territoire. Cette plateforme a été mise en place par l’Etat et est administrée par l’ADEME, le Ministère de la Transition Ecologique. Toutes les entreprises assujetties au Décret Tertiaire devront donc s’y créer un compte, et apprendre à utiliser la plateforme qui a d’ores et déjà publié un guide d’utilisation.

Le Décret Tertiaire prévoit également les modalités de communication des réductions éventuelles de consommation d’énergie. Une attestation annuelle est générée par OPERAT et doit être affichée de manière visible sur le bâtiment. Cette attestation comprend une notation Eco Energie Tertiaire (EET) symbolisée de la façon suivante en fonction de la performance environnementale atteinte par l’entreprise :

ÉCO ÉNERGIE - Décret tertiaire
  • La Feuille Grise signifie que le niveau de consommation énergétique annuelle est en augmentation, sans que ceci puisse être justifié par le volume d’activité, ou par les contraintes architecturales.
  • Une Feuille Orange sera attribuée aux bâtiments dont le niveau de consommation énergétique annuelle est situé en dessous du niveau de la consommation énergétique de référence mais tout de même 10% au-dessus de leur objectif de réduction.
  • À partir d’une Feuille Verte, les établissements sont en conformité avec le Décret Tertiaire : avec 1 Feuille Verte, l’entreprise respecte les objectifs qui lui ont été fixés, avec 2 Feuilles Vertes, ses réductions d’émissions sont 10% inférieures à l’objectif et avec 3 Feuilles Vertes, le bâtiment a surperformé par rapport à l’objectif qui lui était fixé.

Le Décret Tertiaire a par la suite été complété de plusieurs arrêtés qui viennent expliciter et détailler les cas d’assujettissement et les obligations incombant aux entreprises concernées afin de garantir un déploiement opérationnel efficace. Si la plupart de ces arrêtés ont déjà été publiés, deux d’entre eux sont encore en attente.

II) Quelles entreprises sont assujetties au Décret Tertiaire ?

Selon les termes du décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 sont concernés tout propriétaire ou exploitant d’un bâtiment exerçant des activités tertiaires, que ce soit dans le secteur privé ou public. Pour être soumis aux obligations du décret tertiaire, trois principales conditions doivent être réunies :

  • Avoir une activité tertiaire ;
  • Avoir un bâtiment d’une superficie supérieure ou égale à 1000m2 à l’échelle d’un bâtiment, d’une unité foncière ou d’un site ;
  • Ne pas être dans un cas d’exclusion.

Ainsi, la règlementation est très englobante et a été construite de façon à inclure près de 70% du parc immobilier français : il est donc très probable que votre entreprise soit concernée.

  • À savoir :
    initialement, le seuil était de 2 000 m2 mais il a été abaissé par la loi ELAN en 2019, afin d’élargir le champ d’application du dispositif.
    inclure près de 70% du parc immobilier français : il est donc très probable que votre entreprise soit concernée.

1) Avoir une activité tertiaire

Pour savoir si votre activité est considérée comme tertiaire, il faut se référer à la Nomenclature d’Activités Françaises (NAF) répertoriée par l’INSEE. Ainsi, les activités considérées comme tertiaire sont comprises entre les codes 45 et 96 de la Nomenclature d’Activités Française, avec quelques exceptions comme les boulangeries (code NAF 1071), qui sont considérées comme tertiaires dans le cadre du décret.Or, l’assujettissement ne doit pas être évalué à l’échelle du code NAF de votre entreprise, mais à celle de votre bâtiment, de votre unité foncière ou de votre site. Il faut ainsi se demander pour chacune de ces échelles si l’activité exercée est considérée comme tertiaire.

Pour aider à cette compréhension, la plateforme OPERAT fournit également une liste d’activités tertiaires, utiles pour comprendre votre assujettissement d’une part, et d’autre part pour déclarer des catégories et des sous-catégories sur la plateforme.

Concrètement, les activités tertiaires sont listées de la façon suivante sur le site officiel :

    • bureaux  ;
    • services publics  ;
    • enseignement  ;
    • santé  ;
    • justice  ;
    • commerces  ;
    • hôtellerie  ;
    • restauration  ;
    • résidences de tourisme et loisirs  ;
    • sport  ;
    • culture et spectacles  ;
    • logistique  ;
    • aérogares  ;
    • gare ferroviaire, routière, maritime ou fluviale  ;
    • ventes et services automobiles, moto ou nautique  ;
    • salles et centres d’exploitation informatique  ;
    • stationnement  ;
    • blanchisserie  ;
    • imprimerie et reprographie.

2) Bien calculer la superficie

Evaluer la superficie assujettie n’est pas chose aisée. Elle doit être étudiée sur trois périmètres :

  • le bâtiment ;
  • l’unité foncière, définie comme étant un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ;
  • le site, qui est un établissement comportant plusieurs bâtiments ayant un lien fonctionnel entre eux.

De plus, pour comptabiliser les surfaces, il faut prendre en compte la définition du Code de l’Urbanisme, soit la « somme des surfaces de plancher de chaque niveau d’une construction, sans compter les combles, le sous-sol, les toitures-terrasses, les balcons, les loggias, les parties du bâtiment prévues pour servir de garage et les locaux techniques »

À savoir :
Les seules activités exclues sont les constructions provisoires, les activités liées à la défense nationale ou encore les lieux de culte.

III) Quelles actions sont attendues de la part des entreprises assujetties ?

1) Déclarer ses données sur la plateforme

Les entreprises assujetties devront donc se créer un compte sur la plateforme OPERAT et y déclarer les données bâtimentairesles données administratives et les données de consommation.

Les données bâtimentaires concernées sont les Identifiants Uniques Bâtimentaires (IUB), les adresses et les numéros de SIRET.

Quant aux données administratives, ce sont principalement des données de mise en conformité avec la plateforme. Il va notamment s’agir de déterminer le cas d’assujettissement et l’entité fonctionnelle assujettie. L’entité fonctionnelle (EF) est une notion qui a une signification particulière dans le cadre d’OPERAT, il s’agit en effet d’un binôme propriétaire et exploitant, qui correspond en règle générale à un SIRET. Vous pouvez donc avoir un seul bâtiment, mais plusieurs déclarations à effectuer si vous avez plusieurs Entités Fonctionnelles.

Lors d’une étude d’assujettissement, OMNEGY vous accompagne pour définir votre cas d’assujettissement et les échelles de déclaration.

Enfin, vous allez devoir déclarer vos données de consommation. En 2022, il va falloir déclarer les données de consommations de l’année 2020 et 2021 et vos consommations de référence (Créf) choisies entre 2010 et 2019. Les consommations de toutes les énergies consommées (gaz, pétrole, électricité, etc.) doivent ainsi être déclarées à l’échelle de chaque sous-catégorie et ajustées de chaque indicateur d’intensité d’usage (IIU).

La détermination de l’année de référence est cruciale car c’est de cette année que vont découler les objectifs de réduction d’émissions qui seront fixés à l’entreprise. Pour la choisir, il est nécessaire pour chacun des sites de votre entreprise d’étudier 10 années de consommations énergétiques, de réaliser un ajustement climatique et d’y appliquer des indicateurs d’intensité d’usage pertinents selon votre activité. Une vraie expertise en termes de collecte et gestion de la donnée peut être nécessaire.

2) Atteinte des Objectifs de réduction de consommation

Une fois les données de consommation renseignées, les assujettis peuvent emprunter deux chemins pour parvenir à l’objectif fixé : soit l’atteinte de l’objectif en valeur absolue, (Cabs) pour ceux qui ont déjà commencé à mettre en œuvre des actions de réduction de leur consommation d’énergie.

L’objectif en valeur relative, (Crelat) exprimé en pourcentage et plutôt adapté aux entreprises qui ont une forte consommation d’énergie et qui n’ont pas encore réalisé d’action de réduction de leurs consommations.

Les entreprises devront donc réaliser des travaux d’économie d’énergie pour atteindre les objectifs fixés par le décret. Pour cela, il peut être nécessaire de réaliser un audit énergétique, c’est une étude qui va regarder en profondeur les différents usages énergétiques de l’entreprise et identifier des pistes d’amélioration.

3) Suivi des progrès au fils des ans

Afin de pouvoir suivre et quantifier les progrès réalisés, les industriels enregistrent chaque année les consommations de leur(s) bâtiment(s). En contrepartie, la plateforme de l’Observatoire de la Performance Energétique de la Rénovation et des Actions du Tertiaire (OPERAT) leur transmet une attestation accompagnée d’une notation, qui permet de savoir à quel niveau l’entreprise se trouve par rapport à l’objectif à atteindre.

La plateforme permet également de comparer les entreprises du même secteur géographique ou celles qui exercent le même type d’activité, pour aider les professionnels à se situer par rapport aux autres.

Propriétaire ou exploitant, tous responsables

Le dispositif mis en place par le Décret Tertiaire a été conçu de telle sorte à ce que tous les acteurs soient impliqués : autant le propriétaire, responsable de mettre à disposition de ces locataires des systèmes énergétiques performants, que le locataire (preneur à bail), responsable d’exploiter le bâtiment de façon responsable.

Ils sont donc tous deux responsables de déterminer l’assujettissement, de déclarer les données sur la plateforme OPERAT, de mettre en place un plan d’actions de réduction et de réduire les consommations d’énergie. Il est donc nécessaire de se coordonner afin de déterminer quel acteur sera en charge de chacun de ces actions.

IV) Que se passe-t-il en cas d’absence de transmission des données de consommation ou de non-respect d’un objectif ?

Ce dispositif a été créé avant tout dans une optique d’accompagnement des entreprises, afin de leur permettre de réaliser des efforts en faveur de la transition énergétique de leur activité.

Toutefois, si une entreprise ne joue pas le jeu, cela ne sera pas sans conséquence. Une sanction financière est prévue : il s’agit d’une amende administrative qui peut atteindre 1 500 euros pour les personnes physiques et 7 500 euros pour les personnes morales. On le voit, ces sommes sont modestes pour de grandes entreprises et le but n’est pas réellement de les sanctionner financièrement.

En réalité, la véritable sanction infligée aux récalcitrants n’est pas financière. En effet, sera mise en œuvre la pratique du « Name and Shame » qui vient des États-Unis. Cela consiste à annoncer publiquement qu’une entreprise n’a pas respecté ses obligations, lui procurant ainsi une mauvaise publicité qui peut lui être préjudiciable pour ses affaires. Un site dédié sera donc créé à cet effet, et les retombées en termes de réputation pourraient être néfastes dans un contexte de prise en compte croissante des enjeux environnementaux par les consommateurs finaux.

V) Quand doit commencer l’enregistrement des données sur la plateforme OPERAT ?

Initialement, les entreprises devaient enregistrer leurs données avant fin septembre 2021. Finalement, un report d’un an a été décidé par les pouvoirs publics, en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Les professionnels assujettis par le dispositif ont donc jusqu’à fin septembre 2022 pour réaliser la démarche, et l’accès à la plateforme est ouvert depuis le 1er Avril 2022.

Au 30 septembre 2022, les professionnels devront donc avoir rempli en ligne leurs données de consommation pour 2020 et 2021 en précisant les données de référence (qui ne peuvent être antérieures à 2010).

Concrètement, cela demande aux entreprises de mobiliser des ressources en interne pour recenser les données à récolter et les enregistrer ensuite sur OPERAT. Chaque entreprise devra donc anticiper pour respecter le délai fixé.

L’année 2022 étant la première année de mise en œuvre opérationnelle du décret tertiaire, elle est considérée comme une « année test », permettant aux entreprises de s’organiser en interne et mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre de cette nouvelle obligation règlementaire qui va occuper les entreprises pendant les 30 prochaines années.

VI) Existe-t-il des mesures d’aides à destination des professionnels pour les accompagner dans leurs efforts ?

Le dispositif Eco-Energie Tertiaire s’inscrit dans un programme global mis en place par les pouvoirs publics depuis quelques années pour aider les professionnels à réaliser leur transition énergétique.

Ainsi, les industriels peuvent bénéficier du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) délivrés par les fournisseurs d’énergie en cas de réalisation de travaux d’amélioration énergétique.

Dans le même sens, un crédit d’impôt a été mis en place pour l’installation de bornes de recharges pour véhicules électriques, sous réserve que les dépenses soient engagées d’ici fin décembre 2023.

Pour tester l’éligibilité de vos travaux au dispositif CEE, vous pouvez contacter directement nos experts.

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