A l’échelle mondiale, deux paradigmes s’opposent pour la valorisation du carbone. D’un côté, la création d’un marché du carbone ciblant les entreprises industrielles majeures les plus polluantes, tel que c’est actuellement le cas en Europe. De l’autre, l’instauration d’une taxe carbone, très populaire dans les pays nordiques, visant cette fois les entreprises de toutes tailles ainsi que les ménages.

Les méthodes sont différentes, mais l’objectif est le même : atteindre un « signal prix » pour le carbone, ce qui signifie attribuer au CO2 un coût assez dissuasif pour orienter la consommation vers des produits décarbonés et ainsi infléchir les émissions de gaz à effet de serre.

Déjà membre du marché du carbone européen, la France a également instauré en 2014 un dispositif assimilable à une taxe carbone : la Composante Carbone (CC), aussi appelée Contribution Climat Energie (CCE).

Peu connue des entreprises et du grand public car elle ne figure pas explicitement sur les factures, la CCE impacte le montant des taxes énergétiques (TICGN et TICPE) de votre entreprise et est par ailleurs l’une des causes du mouvement des gilets jaunes en 2018.

Contribution Climat Energie ou Composante Carbone : différences, fonctionnement et définition

La Contribution Climat Energie (CCE) est payée par toutes les entreprises lorsqu’elles utilisent des produits énergétiques carbonés tels que le gaz naturel ou le pétrole. La CCE n’est pas à proprement parlé une taxe environnementale, mais un instrument de calcul des taxes énergétiques – la Taxe Intérieure sur la Consommation de Gaz Naturel (TICGN), la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques (TICPE) et la Taxe Intérieure sur la Consommation de Charbon (TICC).

Ces taxes énergétiques se composent donc d’une part fixe et d’une part variable, définie par la CCE. La Contribution Climat Energie va donc impacter de façon proportionnelle les taxes énergétiques : plus le montant de la CCE est élevé, plus les taxes énergétiques précitées vont être élevées. La CCE sert donc à définir la Composante Carbone des taxes énergétiques, d’où son nom.

Dates clefs

Années 1990 : les premiers échecs de la taxe carbone

Dans le sillage des événements climatiques internationaux des années 1990 (Conférence de Rio en 1992, Protocole de Kyoto en 1997), et dû à des prises de conscience accrues sur l’impact de l’industrialisation massive sur le climat, l’Europe se penche progressivement sur différentes méthodes de tarification du carbone. Plusieurs propositions faites pour une taxation du carbone entre 1992 et 1997 n’aboutissent pas, faute d’unanimité obtenue. Eventuellement, l’Europe finit par abandonner ses projets de lois liés à une taxe carbone, pour adopter un marché d’échange de quotas d’émissions en 2005.

Parallèlement, la France tente tout de même d’instaurer une taxe carbone à l’échelle nationale en élargissant le périmètre de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) pour y inclure l’électricité, le gaz et le charbon. Ce projet de taxe carbone restera également sans suite du fait de débats sur la taxation de l’électricité, qui en France est largement décarbonée grâce à la production nucléaire.

2008 : les premières briques de la taxe carbone

Alors que le marché du carbone européen en est à sa première phase de lancement (de 2005 à 2012), la France renforce et formalise son arsenal règlementaire sur le carbone à la suite du Grenelle de l’Environnement de 2008. Il y est prévu par l’article 2 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, d’encourager la décarbonation de l’économie sans entacher la compétitivité des entreprises :

« L’Etat étudiera la création d’une contribution dite “climat-énergie” en vue d’encourager les comportements sobres en carbone et en énergie. Cette contribution aura pour objet d’intégrer les effets des émissions de gaz à effet de serre dans les systèmes de prix par la taxation des consommations d’énergies fossiles. Elle sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires de façon à préserver le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises. »

Pour cela, le gouvernement veut asseoir cette taxe sur le prix du carbone sur le marché du carbone européen, ce qui correspondait à 17€/tonne de CO2 en 2010. Il y est également prévu une augmentation annuelle progressive de la taxe carbone, dans le but d’atteindre 100€/tonne de CO2 en 2030, seuil défini comme le Fuel Switch Cost.

Ce texte de loi va donc soumettre l’ensemble des acteurs économiques aux évolutions du coût du carbone, contrairement au marché du carbone qui jusqu’à lors ne concernait que les grandes installations industrielles les plus polluantes.

Pour éviter la double taxation, c’est ainsi que des régimes d’exonération partielle sur la TICGN ont été mis en place pour les entreprises soumises au schéma EU-ETS.

2014 : la taxe carbone est entérinée par son intégration aux taxes énergétiques existantes

Par la suite, la composante carbone des taxes intérieures de consommation a été mise en place « de manière informelle » comme l’atteste le Ministère de l’écologie, en augmentant les taux globaux des TIC (TICPE, TICGN et TICC), par l’article 32 de la loi de finances pour 2014 pour moduler la fiscalité des différents produits en fonction des émissions de CO2.

Comme prévu, le taux de la composante carbone a progressivement augmenté, de façon indolore et non ressentie par les consommateurs finaux, en suivant la trajectoire prévue par le PLF, et en gardant le cap fixé à 100€/tonne de C02 par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).

2018 : gel de la composante carbone suite au mouvement des Gilets Jaune

En l’espace de 3 ans, le taux de la taxe a été multiplié par 4 sans attirer l’attention des consommateurs finaux. Seulement, en 2018, la hausse de la composante carbone à 44,6€/tonne (+30% comparé à l’année 2017), couplée à la hausse des prix du baril de pétrole se résulte par une augmentation brutale des Taxes Intérieures de Consommation sur l’énergie (la TICGN dans une moindre mesure, mais particulièrement la TICPE).

Cet événement est l’une des causes du mouvement des gilets jaunes. A la suite des réclamations grandissantes, le gouvernement a finalement gelé le taux de la Composante Carbone, qui est resté fixe à 44,6€/tonne de CO2 malgré les évolutions initialement prévues.

Evolution de la Composante Carbone depuis 2014 en €/tCO2

Source: Commission de Régulation de l’Energie (CRE)

Contribution Climat Energie : prospective et pistes d’accompagnement

En instaurant une Composante Carbone aux taxes énergétiques, le gouvernement français a fait le choix de d’impliquer l’ensemble des acteurs économiques dans les préoccupations environnementales actuelles, et non pas uniquement les entreprises industrielles les plus polluantes.

Ce dispositif qui a à peine 7 ans, bien qu’essentiel dans l’atteinte des objectifs de la politique énergétique européenne, présente encore des manquements et des inégalités.

Tout d’abord, concernant l’affectation des recettes. En effet, la Contribution Climat Energie (CCE) a généré plus de 9 milliards d’euros en 2018, et si un tiers de ces bénéfices a contribué à financer le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité de l’Emploi (CICE), le reste de l’attribution des sommes ne profite que peu à la transition énergétique : 20% uniquement en 2017 ont été alloués au Compte d’Affectation Spécifique dédié à la Transition Energétique, et l’affectation des recettes demeure opaque.

Ensuite, le système – se voulant universel – crée des situations pouvant être jugées injustes pour les petites entreprises. En effet, les industriels majeurs – soumis au EU-ETS – héritent d’un système de marché volatile et offrant non seulement des opportunités d’optimisation et de spéculation, mais aussi des gains importants et des récompenses en cas de comportements vertueux. En revanche, les petites entreprises – soumises à la taxe carbone – pâtissent d’une CCE, structurellement à la hausse et dans une démarche uniquement punitive. C’est-à-dire que contrairement au marché du carbone européen, les petites entreprises n’ont pas de rémunération ni d’incitation financière en cas de transition vers une démarche bas carbone.

Ce sont par ailleurs, des secteurs très touchés par la crise de la Covid-19, qui utilisent également massivement des produits énergétiques polluants tels que du pétrole ou ses dérivés, et le gaz naturel : exploitants agricoles et secteur du transport par exemple.

Que votre entreprise soit soumise au marché du carbone ou à une taxe carbone, OMNEGY peut vous accompagner pour regagner en compétitivité : nous vous aidons dans la définition d’une stratégie d’achat de quotas d’émissions, vers l’obtention de régimes fiscaux avantageux selon votre profil et dans vos démarches de réduction de votre empreinte environnementale. N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations.

Sources : 

  1. https://www.connaissancedesenergies.org/il-ny-pas-de-taxe-carbone-en-france-170601
  2. L’article 2 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement
  3. L’article 32 de la loi de finances pour 2014
  4. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV)

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