En France, la méthanisation a connu un développement important dans les années 1970-1980. Toutefois, la politique énergétique française s’est ensuite désintéressée de ce secteur, privilégiant les énergies fossiles moins coûteuses. Avec la crise climatique et les engagements pris au niveau européen (neutralité carbone d’ici 2050), la France a commencé plus récemment à s’intéresser à nouveau au secteur de la méthanisation. Ainsi, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 prévoit un objectif de biogaz d’ici 2028 compris entre 24 et 32 TWh, en tenant compte d’une hypothèse de baisse des coûts. Cela représente une part de 6 à 8% de la consommation de gaz à cette date. En outre, la loi Climat et résilience adoptée le 12 juillet 2021 a créé le mécanisme des Certificats de Production de Biogaz (CPB) permettant d’accélérer le développement du secteur de la méthanisation. Ce système n’est toutefois pas financé par l’État qui le fait reposer sur les fournisseurs (et donc in fine, sur les consommateurs).
La guerre en Ukraine a mené les Etats européens à prendre un ensemble de mesures visant à sanctionner la Russie. Fortement dépendante aux combustibles russes, l’Europe souhaite désormais accélérer la diversification de ses sources d’approvisionnement tout en favorisant les énergies vertes. Dans ce contexte, le biogaz joue un rôle dans la transition énergétique française et les pouvoirs publics font évoluer la législation en ce sens. Ainsi, le décret n°2022-640 du 25 avril 2022 relatif au dispositif de Certificats de Production de Biogaz pris en application de la Loi Climat et résilience vient d’être publié.
I) Le fonctionnement du mécanisme de valorisation des Certificats de Production de Biogaz
Le décret précité du 25 avril 2022 précise les contours du dispositif des certificats de production de biogaz.
1) Qu’est-ce qu’un certificat de production de biogaz ?
Pour bien comprendre le fonctionnement du système de certificat mis en place par les pouvoirs publics, il faut répondre à cette première question : qu’est-ce qu’un Certificat de Production de Biogaz (CPB) ?
Nous avons déjà évoqué le mécanisme des certificats dans le domaine de l’électricité verte. C’est le même principe que l’on retrouve pour le biogaz.
Concrètement, le système repose sur les fournisseurs de gaz naturel qui devront restituer à l’Etat ces certificats pour prouver qu’ils participent au développement du biogaz sur le marché.
Le texte précise que sont soumis à cette obligation :
- tous les fournisseurs de gaz naturel qui livrent du gaz naturel à des consommateurs finaux ou qui consomment du gaz naturel ;
- si leurs livraisons ou consommations dépassent un seuil de 400 GWh de pouvoir calorifique supérieur.
À savoir !
Le seuil des 400 GWh est calculé en prenant en compte les livraisons et/ou consommations du fournisseur ainsi que celles des autres fournisseurs avec lesquels ils sont liés. C’est le cas si un fournisseur détient la majorité du capital social d’un autre fournisseur par exemple ou si un fournisseur est placé sous le contrôle d’une entreprise tierce elle-même contrôlée directement ou non par un fournisseur tiers.
Le seuil sera toutefois ensuite réduit de 100 GWh chaque année, afin que tous les fournisseurs soient soumis au dispositif au bout de 5 ans.
Pour obtenir un certificat, les fournisseurs devront soit produire eux-mêmes du biogaz, soit acheter des certificats auprès de producteurs de biogaz. En outre, les certificats doivent correspondre au volume de gaz naturel que chaque fournisseur commercialise.
1 MWh de biogaz produit et injecté dans le réseau = 1 certificat de production de biogaz
La délivrance du Certificat de Production de Biogaz peut être réalisée dans les 12 mois suivant l’injection du biogaz dans le réseau de gaz naturel.
Par ailleurs, l’article R.446-96 du Code de l’énergie prévoit les mentions que chaque Certificat de Production de Biogaz doit contenir :
- Le nom et l’adresse du demandeur du certificat ;
- Le nom et la localisation de l’installation de production de biométhane ;
- Le type et la production annuelle prévisionnelle de l’installation ;
- La date de mise en service de l’installation ;
- Le type d’aides nationales dont a bénéficié l’installation ;
- Les références du contrat d’injection ;
- Le nom et les coordonnées du gestionnaire du réseau de gaz naturel auquel l’installation est raccordée ;
- La quantité de biométhane, exprimée en MWh, pour laquelle est délivré le certificat ;
- Le lot correspondant au biométhane pour lequel le certificat est délivré ;
- Les dates de début et de fin de la période d’injection du lot de biométhane ;
- La date de délivrance du certificat.
On le voit, la volonté des pouvoirs publics est d’assurer une véritable traçabilité des certificats, pour s’assurer du bon fonctionnement du dispositif.
Enfin, la réglementation précise que le Certificat de Production de Biogaz est valable « dans les 5 ans suivant sa délivrance ».
Chaque fournisseur soumis à la restitution des Certificats de Production de Biogaz doit adresser au ministre chargé de l’énergie, chaque année et au plus tard au 1er mars une déclaration reprenant les informations utiles liées à ses obligations.
Pour garantir la transparence du système, l’État va publier tous les six mois le nombre de certificats délivrés. Tous les mois, le prix moyen des certificats sera également communiqué au public.
Notons enfin que le dispositif des certificats de production de biogaz fut accompagné par un processus d’appel d’offres en 2022. Son objectif etait de soutenir la filière en proposant aux lauréats un contrat d’obligation d’achat du biométhane sur une durée de 15 ans.
2) Qu’est-ce que le registre des certifications de production de biogaz ?
Prévu aux articles L.446-31 à L.446-36 du code de l’énergie, le registre des certificats de production de biogaz est électronique et accessible au public.
Son but est de lister toutes les transactions liées à la délivrance des Certificats de Production de Biogaz.
L’article L446-34 du Code de l’énergie précise que « tout producteur de biogaz, tout fournisseur de gaz naturel ou toute autre personne morale peut ouvrir un compte dans le registre national ».
Concernant l’entité chargée de gérer ce registre, le décret du 25 avril 2022 précise que le gestionnaire est désigné par le ministre chargé de l’énergie, après mise en concurrence et pour une durée de 5 ans maximum.
Les informations du registre rendues publiques sont la date de mise en service de l’installation concernée par la délivrance du certificat, la quantité de biométhane (en MWh), pour laquelle le certificat a été délivré, la date de début et de fin de la période d’injection du lot de biométhane et la date de délivrance du certificat.
Le gestionnaire du registre assure un rôle de consignation des éléments liés aux Certifications de Production de Biogaz (CPB) mais également de contrôle. En effet, avant de délivrer les Certifications de Production de Biogaz (CPB), le gestionnaire vérifie que le dossier du demandeur est complet et recevable.
Chaque année, au mois de juillet, le gestionnaire remet les comptes des fournisseurs à zéro, une fois leurs obligations remplies.
II) Les conséquences des dispositions du décret sur les méthaniseurs
Les méthaniseurs qui permettent de transformer la matière organique en biogaz peuvent être installés par des agriculteurs qui peuvent ainsi valoriser les déchets issus de leur exploitation et diversifier leurs sources de revenus.
Beaucoup plus développée dans d’autres pays comme en Allemagne ou en Italie, l’activité de la filière s’accélère en France.
Selon le Ministère de la transition écologique, fin mars 2024, on comptait 674 installations d’injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel, pour une capacité de production de 12,2 TWh/an, soit presque deux fois la capacité en 2021 qui était pour rappel de 6,2 TWh/an. (source)
Pour les producteurs, le système des Certificats de Production de Biogaz (CPB) a pour but de leur permettre d’obtenir une double rémunération issue d’une part de la vente du biogaz et d’autre part de la vente aux fournisseurs des certificats.
L’intérêt est d’accélérer le développement de la filière en lui apportant un soutien financier solide.
Toutefois, la législation prévoit qu’un méthaniseur ne peut pas cumuler le dispositif des Certificats de Production de Biogaz avec celui des garanties d’origine (GO).
Par ailleurs, afin d’être éligible au dispositif des Certifications de Production de Biogaz (CPB), selon l’article R.446-105 du code de l’énergie, un méthaniseur doit :
- Produire le biométhane par captable sur une installation de stockage de déchets non dangereux à partir de déchets ménagers et assimilés ou par la méthanisation en digesteur de produits ou déchets non dangereux ;
- Être équipé d’un dispositif de comptage du biométhane injecté géré par le gestionnaire du réseau de gaz naturel auquel l’installation est raccordée ;
- Respecter les conditions d’utilisation de produits ou déchets non dangereux et d’efficacité énergétique arrêtées par le ministre chargé de l’énergie ;
- Être inscrit sur le registre des Certificats de Production de Biogaz (CPB);
- Disposer d’une attestation de conformité datant de moins de 4 ans ;
- Ne pas faire l’objet d’une interdiction de demander la délivrance de Certificat de Production de Biogaz (CPB).
L’installation doit également respecter les dispositions de la directive européenne du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelable, dite « RED II ».
Ce texte prévoit que les installations qui injectent plus de 19,5 GWh/an de biométhane dans le réseau se verront contraint à une obligation de suivi « carbone » à partir de mi-2022.
Des critères sont également prévus pour vérifier les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la filière et les producteurs devront transmettre des attestations de durabilité de leur installation.
Consultée pour avis sur le projet de décret du 25 avril 2022, la Commission de régulation de l’énergie avait suggéré, dans sa délibération du 17 mars 2022, que le dispositif des Certificats de Production de Biogaz (CPB) soit appliqué en priorité par rapport aux procédures d’appels d’offres.
III) Le mécanisme du rachat des certificats par les fournisseurs
Si les textes n’ont pas quantifié les obligations qui pèsent sur les fournisseurs, ils ont prévu des sanctions en cas de manquement de leur part. Le dispositif entrera en vigueur en 2023.
1) Le volume de certificats à restituer
On l’a vu, les fournisseurs de gaz naturel doivent acheter aux producteurs de biogaz des certificats qu’ils devront ensuite restituer à l’Etat.
En pratique, les fournisseurs obtiennent les certificats en signant avec les producteurs un contrat d’obligation d’achat (ou en produisant eux-mêmes du biogaz).
L’article L.446-43 du code de l’énergie prévoit néanmoins la possibilité pour les fournisseurs de se regrouper pour mutualiser les achats de Certificat de Production de Biogaz (CPB).
En ce qui concerne le volume auquel les fournisseurs sont assujettis, le texte ne donne pas de chiffre précis. L’article R.446-113 du code de l’énergie indique seulement que « le volume global de l’obligation annuelle de restitution de certificats de production de biogaz est défini en cohérence avec les objectifs de production du biométhane injecté fixé par la programmation pluriannuelle de l’énergie ».
Cette précision sera donnée ultérieurement dans un second décret.
2) Les mesures prévues en cas de manquement d’un fournisseur
Si le fournisseur ne fournit pas les certificats en nombre suffisant, il est mis en demeure de régulariser sa situation. Si le nécessaire n’est pas fait dans le délai imparti qui lui est précisé par les services de l’Etat, une pénalité peut lui être infligée.
Les textes prévoient que cette pénalité ne peut excéder 100 euros par « certificat manquant », lequel correspond à 1 MWh (Article R.446-123 code de l’énergie). Mais en cas de manquement, le fournisseur peut également se voir retirer le droit de demander des certificats, de façon temporaire ou définitive. Ses certificats peuvent aussi être annulés à hauteur du volume de biogaz faisant l’objet du manquement (article L.446-48 du code de l’énergie).
3) L’entrée en vigueur du dispositif et ses conséquences
L’ensemble de ce dispositif est entré en vigueur le 1er juillet 2023 et un arrêté fut publié le 4 octobre 2023 afin de “modifier et créer des fiches d’opérations standardisées d’économies d’énergue dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie”
Par ailleurs, il existe un lien entre la production de biogaz et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
D’après une étude menée par GRDF en 2017, le contenu carbone du biométhane est dix fois moins important que celui du gaz naturel. Selon ce rapport, la production et l’injection de 12 TWh de biométhane d’ici 2023 représenterait une baisse de 2,2 millions de tonnes de CO2eq environ en France.
En ce sens, l’article R.446-121 du code de l’énergie introduit par le décret du 25 avril 2022 précise que « la réduction des émissions de gaz à effet de serre associée à la production du biométhane correspondant à un certificat de production de biogaz utilisé en application du présent article peut faire l’objet d’une comptabilisation pour le site de consommation concerné dans le cadre du système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre ».
La réduction des Gaz à Effet de Serre (GES) liée à la production de biogaz donnant lieu à un Certificat de Production de Biogaz (CPB) pourra donc être comptabilisée dans le cadre du système d’échanges des quotas de Gaz à Effiset de Serre (GES).
OMNEGY à vos côtés
La réglementation tend à favoriser la filière du biométhane qui devrait occuper une place importante pour l’atteinte des objectifs du pays en matière de transition énergétique. Le système des certificats de production de biogaz est une mesure centrale de ce dispositif d’aides. Le prix des Certificats de Production de Biogaz (CPB) dépendra du volume auquel les fournisseurs seront soumis. La mise en pratique du système nous dira s’il est plus rentable que le fonctionnement actuel du marché. OMNEGY vous accompagne dans la veille réglementaire de votre secteur d’activité, n’hésitez pas à nous contacter pour nous faire part de vos besoins.