La Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE), également appelée Taxe Intérieure de Consommation Finale sur l’Electricité (TICFE) est une taxe de laquelle sont redevables tous les consommateurs finaux d’électricité.
Acquittée par tout le monde, elle reste paradoxalement peu connue des ménages mais également des entreprises, alors même qu’au prix de 22,5 €/MWh elle représente près du quart des factures d’électricité. En effet, la CSPE a connu une hausse de près de 80% entre 2002 et 2014, et représentait près de 8 milliards d’euros de recettes étatiques en 2019 (soit trois fois plus que l’Impôt sur la Fortune la même année).
Avec la Taxe Intérieure de Consommation sur le Gaz Naturel (TICGN) et la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques (TICPE), la TICFE est la troisième taxe assise sur l’énergie. Les taxes énergétiques occupent ainsi une part grandissante dans le budget des entreprises, mais face aux évolutions fréquentes portées simultanément par le Code des Douanes, le Code de l’Energie, et les lois de finances successives, le cadre législatif et règlementaire s’opacifie. Il devient de moins en moins évident pour les entreprises de toutes tailles de suivre et comprendre cette composante de leurs factures d’électricité.
OMNEGY fait le point avec vous sur la fiscalité de l’électricité : Que finance la CSPE ? Quels sont les objectifs de cette taxe ? Et surtout, en pleine crise sanitaire et économique due à la Covid-19, comment regagner en compétitivité grâce à l’optimisation de vos taxes énergétiques ?
CSPE : création, historique et évolutions
A l’origine de la CSPE : financer les charges de service public de l’électricité à la suite de l’ouverture des marchés à la concurrence
A l’origine, la CSPE désignait les Charges de Service Public de l’Energie et a été créée dans le but de couvrir les dépenses des fournisseurs historiques d’électricité tels que EDF et toutes les Entreprises Locales de Distribution.
A l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence, le Code de l’Energie a été modifié pour intégrer la notion de service public de l’énergie par l’article L121-1 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. Il y est dit que le service public de l’électricité doit contribuer à l’indépendance, à la sécurité d’approvisionnement, à la lutte contre l’effet de serre, à la compétitivité économique, mais également concourir à la cohésion sociale, au développement équilibré du territoire et garantir le droit de tous à l’électricité.
De cette genèse du service public découle directement la CSPE, qui avait alors trois objectifs :
- Couvrir les charges induites par le principe de péréquation tarifaire : en France, la tarification des coûts d’acheminement est la même pour tous les utilisateurs finaux quelle que soit la distance à parcourir par l’électricité (cf. notre article sur le contenu d’une facture d’électricité). En particulier la cette différence entre les coûts et les recettes induites par le principe de péréquation entre les consommateurs dans les Zones Non Interconnectées (systèmes insulaires dans les DOM-TOM par exemples) et ceux en métropole était financée par la CSPE.
- Compenser les pertes de recettes dues à la précarité énergétique : afin de garantir l’accès à une électricité abordable pour les ménages les plus modestes, plusieurs mécanismes ont été successivement mis en place. Il s’agissait en premier lieu du Tarif de Première Nécessité (TPN), qui a été remplacé en 2018 par le chèque-énergie. En 2013, le TPN représentait déjà un surplus de 8 millions d’euros de frais de gestion (source : CRE, 2014), et on estimait que seulement 1,7 millions de foyers y avaient accès, alors que 5,1 millions de foyers rencontraient les critères d’éligibilité. Les hausses budgétaires engendrées par le nombre croissant de foyers précaires sont répercutées sur le coût de la CSPE.
- Financer le développement des énergies renouvelables : dans le cadre de la mission de service public visant à fournir l’électricité au plus grand nombre tout en en s’inscrivant dans un développement durable, l’un des objectifs de la France est d’augmenter la part des renouvelables dans le mix énergétique. L’un des moyens de financer cet essor a été l’instauration du principe d’obligation d’achat pour l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. Ainsi, tout producteur d’énergie solaire, éolienne, hydraulique ou à partir de biomasse a la garantie que sa production va être achetée par l’Etat à des tarifs plus avantageux que les prix de marchés de l’électricité. La production d’énergies renouvelables a par conséquent été boostée entre 2003 et 2016 sous l’effet de cet avantage étatique.
De la CSPE à la TICFE en 3 dates clés
En 2003, la CSPE a été instaurée, dans le but de couvrir les charges du service public de l’électricité à la suite de l’ouverture à la concurrence des marchés français de l’électricité.
En 2013, la CSPE passe la barre des 10 €/MWh pour atteindre 13,5 €/MWh : une augmentation nette de plus de 3 €/MWh pour couvrir un déficit lié au développement rapide des énergies renouvelables entre 2006 et 2010. Au cours de la période allant de 2002 à 2013, le financement des filières de cogénération et photovoltaïque représentait respectivement 9,3 milliards d’euros et 4,7 milliards d’euros de surcoûts imputés directement dans la CSPE. Sur la même période, cette taxe a donc permis de financer 2000 MW de puissance installée hydraulique, 4000 MW de cogénération, 4000 MW de photovoltaïque, et 8000 MW d’éolien terrestre.
Comparaison de la puissance renouvelable installée entre 2002 et 2013 avec les surcoûts engendrés (par les tarifs de rachat de ces installations)
En 2016, la CSPE évolue en Taxe Intérieure de la Consommation Finale d’Electricité (TICFE) tout en conservant le nom de CSPE. Depuis cette réforme, le montant de la CSPE est le même, mais il ne finance plus les charges de service public de l’électricité comme prévu dans la loi de finances rectificative pour 2015.
Par cette réforme, la législation corrige deux problèmes qui jusqu’à lors étaient inhérents à la CSPE :
- Le manque de transparence quant à l’affectation des recettes : les dispositifs sociaux et les frais de péréquation tarifaire sont désormais financés par un programme service public de l’énergie directement intégré au budget de l’Etat.
- Le paradoxe faisant que la consommation d’énergie décarbonée soit taxée pour réduire des émissions de carbone qu’elle n’induit pas : en effet en France, le mix électrique est principalement décarboné. Désormais, les énergies renouvelables ne sont plus financées par la CSPE, mais par la TICPE – la taxe sur les produits pétroliers – par le biais d’un Compte d’Affectation Spécial Transition Energétique (CAS TE).
Un problème subsiste pourtant : le taux élevé de la CSPE, dont le niveau est amené à augmenter pour combler les déficits financiers évoqués plus haut qui sont au détriment d’EDF.
CSPE : montant, exonération et remboursements
Montant de la CSPE
Toute entreprise consommant de l’électricité doit s’acquitter de la CSPE, et tous les fournisseurs ont l’obligation légale de faire figurer sur les factures le montant imputé au client. Si vous consultez une de vos factures, vous verrez certainement une ligne mentionnant un taux de 22,5 €/MWh, soit 0,0225 €/kWh (ou 2,25 c€/kWh). C’est le montant actuel de la CSPE/TICFE depuis 2016.
A ce montant, s’ajoutent deux majorations de la TICFE prévues par le Code Général des Collectivités Territoriales : la Taxe Communale sur la Consommation Finale d’Electricité (TCCFE) et la Taxe Départementale sur la Consommation Finale d’Electricité, regroupées sous l’appellation de Taxes Locales sur la Consommation Finale d’Electricité (TLCFE). Vous trouverez plus d’informations ici. Selon la taille de la commune d’implantation de votre entreprise, et la taille de votre installation électrique, votre entreprise sera ou non redevable des TLCFE.
En 2019, ces taxes ont rapporté à l’Etat plus de 10 milliards d’euros : 7,84 milliards d’euros pour la TICFE, 730 millions d’euros pour la TDCFE et 1,4 milliards d’euros pour la TCCFE.
Il n’est pas possible d’obtenir un taux réduit pour les majorations de la TICFE induites par les TLCFE. En revanche, pour garantir la compétitivité des entreprises, la législation prévoit des pistes d’optimisation pour obtenir une exonération partielle ou complète de la TICFE.
Quelles sont les possibilités d’exonération de la CSPE ?
Des taux réduits oscillant entre 0,5 €/MWh et 7,5 €/MWh pour les entreprises industrielles électro-intensives
L’article 265 quinquies du code des douanes pose le cadre pour la taxation de l’électricité pour les entreprises. Les industriels définis comme grands consommateurs d’électricité peuvent bénéficier d’un taux réduit de TICFE.
- Les entreprises hyper-électro intensives : ces entreprises bénéficient du taux réduit minimal de 0,5 €/MWh si elles peuvent attester d’une électro-intensité supérieure à 6 kWh par euro de valeur ajoutée et si leur intensité concurrentielle excède 25%.
- Les autres entreprises grandes consommatrices d’énergie : pour les entreprises dont le ratio d’intensité énergétique (défini par l’intensité des taxes énergétiques sur la valeur ajoutée produite) est supérieur à 0,5 %, la législation prévoit un taux réduit. Ce dernier va dépendre de si l’entreprise est soumise ou non à fuite de carbone, et de son électro intensité.
Faible électro-intensité | Electro-intensité moyenne | Forte électro-intensité | |
---|---|---|---|
Grands consommateurs d’électricité | 7,5 €/MWh | 5 €/MWh | 2 €/MWh |
Grands consommateurs d’électricité soumis à “fuite de carbone” | 5,5 €/MWh | 2,5 €/MWh | 1 €/MWh |
Des taux réduits pour certains secteurs d’activité
- Le transport : les entreprises qui transportent des personnes et des marchandises par train, métro, tramway, câble, autobus hybride rechargeable ou électrique et trolleybus bénéficient d’un taux réduit de 0,5 €/MWh.
- Les data-centers : ils bénéficient d’un taux réduit fixé à 12 €/MWh pour les consommations supérieures à 1 GWh. A partir du 1er janvier 2022, ils seront également soumis à un critère d’éco-conditionnalité.
- Les aérodromes : ceux ouverts à la circulation aérienne publique bénéficient d’un taux réduit de 7,5 €/MWh.
- Le secteur maritime et portuaire : depuis le 1er janvier 2021, l’approvisionnement en électricité des navires maritimes et bateaux fluviaux est éligible à un taux réduit de TICFE de 0,5 €/MWh. De même, à partir de juillet 2021, seront soumis au même taux les consommations d’électricité des entreprises dans le cadre de la manutention portuaire dans l’enceinte des ports maritimes et de certains ports fluviaux lorsque cette consommation est supérieure à 222 wattheures par euro de valeur ajoutée.
Des exemptions totales en fonction de certains usages
Certains usages sont totalement exemptés de TICFE. C’est le cas :
- Des procédés métallurgiques, tels que la réduction chimique ou l’électrolyse,
- Des entreprises pour lesquelles la valeur de l’électricité consommée représente plus de la moitié du coût d’un produit,
- Des utilisations par un procédé de fabrication de produits minéraux tels que du verre, de la céramique, des tuiles, ou du ciment,
- De l’utilisation de l’électricité dans l’enceinte de production de produits énergétiques. Une liste complète des produits énergétiques étant disponible aux tableaux B et C de l’article 265 du code des douanes,
- De l’électricité produite à bord des bateaux,
- De l’électricité produite et consommée par de petits producteurs : ceux produisant moins de 240 GWh par an sont exemptés de TICFE sur l’électricité produite et auto-consommée en totalité. De même, un nouveau régime existe depuis 2017 pour les producteurs dont la puissance de production installée est inférieure à 1 MW
- Et enfin, l’électricité acquise pour la compensation des pertes des réseaux de transport et de distribution d’électricité.
Comment obtenir un remboursement ?
En plus de l’obtention d’un taux réduit ou d’une exonération, la législation permet aux entreprises d’obtenir un remboursement des sommes trop-versées de TICFE sur les deux exercices fiscaux antérieurs, et celui en cours.
Pour obtenir ce remboursement il va falloir dans un premier temps attester de votre éligibilité à un taux réduit de TICFE, pour cela il va falloir calculer votre ratio d’intensité énergétique.
Par la suite, il faut monter un dossier de rétroaction à soumettre auprès des douanes compétentes. Ce dossier se compose principalement d’une compilation rectificative des consommations d’électricité de votre entreprise sur les trois dernières années, d’une explication et description de votre processus industriel, ainsi que de formulaires administratifs.
OMNEGY vous accompagne d’une part dans vos démarches de régularisation, mais assure également un suivi au fil des années sur vos taxes énergétiques : la règlementation évolue fréquemment et nous vous conseillons en fonction de votre profil de risque et de la trésorerie de votre entreprise sur les meilleures optimisations fiscales.
Sources :
- L’article L 121-1 du code de l’énergie
- https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/guide%20fiscalit%C3%A9%20energie%202021.pdf
- https://fr.statista.com/statistiques/477214/revenu-collecte-impot-sur-fortune-france/
- CRE 2014, Rapport de la CRE, la CSPE : mécanisme, historique et prospective
- Circulaire des douanes du 5 juillet 2019